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En conséquence, un nouveau lit avait été creusé à la source, sur le versant opposé à celui qu’elle s’était naturellement choisi ; les dames de Puy-Verdon avaient vu ces travaux préparatoires sans en savoir le but : on avait parlé d’un chemin creux, puis d’une saignée pour arroser des prairies altérées sur un autre point ; enfin, un bassin, avec ses issues nécessaires, avait été établi au bas des rochers sous prétexte de citerne pour l’arrosage, et, depuis huit jours qu’on était en promenades lointaines ou en chasse, Amédée avait pu faire déblayer les derniers obstacles et laisser les eaux de la source s’amasser en réservoir provisoire, sans éveiller l’attention de sa tante et de ses cousines.

L’espèce de torpeur où madame Dutertre paraissait souvent plongée, les distractions que Thierray et Flavien causaient à Nathalie et à Éveline avaient favorisé le secret des derniers travaux, masqués, d’ailleurs, par la végétation de la colline. Benjamine seule, attentive et pénétrante dans les choses de fait, avait tout observé, tout découvert : mais elle se gardait bien de vouloir ôter à sa petite mère le plaisir d’être surprise, et à son père le plaisir de la surprendre. Elle fut donc muette comme une tombe, et ne songea même pas, plus tard, à s’en vanter, tant ce caractère d’enfant avait de solidité et de sûreté relative sous ses dehors irréfléchis et enjoués.

On partait pour le point de vue choisi par Dutertre pour son effet, lorsque Thierray arriva. Le point de vue était une éminence sur la pelouse, et, par une malice toute paternelle, Dutertre fit asseoir sa famille et ses hôtes le dos tourné à la colline. Il leur montrait l’horizon opposé et les exhortait à attendre de côté le phénomène extraordinaire qu’il leur avait promis.

Si cette surprise eût abouti vingt-quatre heures plus