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voulait l’avouer ; enfin que la vie d’ermite ne saurait lui convenir plus de huit jours… Ah çà ! je vais m’ennuyer ici, moi ! se dit encore Thierray en faisant d’un œil inquiet le tour de sa résidence. Je commençais à aimer Flavien… oui, je l’aimais réellement depuis hier au soir. L’excellent cœur, le généreux caractère ! J’aurais parlé avec lui de ma nouvelle passion… Mais cette passion est elle assez forte pour que je m’en entretienne tout seul, le soir, en rentrant dans mon château ? Allons, c’est ce qu’il faut voir !

Et Thierray, ayant déjeuné à la hâte, monta le beau et bon cheval que Flavien lui laissait, et reprit le chemin de Puy-Verdon, où l’on devait, ce jour-là, voir une surprise annoncée la veille par Dutertre.

Sur une des collines qui protégeaient à l’est et au nord le parc et les magnifiques jardins de Puy-Verdon, bouillonnait une source abondante, laquelle prenait son cours sur le versant opposé et allait rejoindre une petite rivière à une demi-lieue de distance, sans sortir des propriétés de Dutertre. Du côté du jardin, la colline était assez escarpée, et avait pour base des rochers d’un bel effet qui formaient en cet endroit la limite naturelle de l’enclos privilégié. Du côté par où s’épanchait la source, la pente l’entraînait en un sens contraire à cet enclos, qui ne manquait pas d’eaux vives ; mais Olympe avait souvent exprimé le regret qu’une de ces belles chutes d’eau qu’elle rencontrait dans les bois d’alentour ne réjouît pas la vue et l’ouïe plus près de sa demeure ; elle avait dit cela sans songer que ce regret serait tôt ou tard un ordre pour son mari. Dutertre avait donc résolu de mettre une cascade sous les yeux de son idole, et il avait communiqué son projet à Amédée, qui s’était fait fort de l’exécuter durant son absence.