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d’âge entre nous. J’étais ton aîné de quatre ans ; j’étais humilié de commencer si tard et d’être sur les mêmes bancs d’école avec un enfant à qui la fortune tenait lieu de précocité.

— J’aurais donc dû souffrir davantage, moi qui, parti du même point, restai si fort en arrière ?

— J’avais la raison de mon âge et la volonté de ma race, voilà tout. Quand je sortis du collège, je te trouvai déjà homme, et, moi, je n’étais qu’un écolier mal habillé, gauche et honteux.

— Oui, on m’avait retiré du collége, où je ne faisais rien, et où tu te distinguais, pour me faire mener la vie de château, où j’appris l’escrime, l’équitation et l’art de nouer ma cravate. Tu m’admiras beaucoup, sans doute ?

— Je l’avoue, dit Thierray, j’eus honte de moi.

— C’est que, bien que beaucoup plus homme que moi, tu étais encore à bien des égards un enfant. Quant à moi, je l’étais tout à fait, et je méprisai ton latin et ton grec, que j’envie aujourd’hui.

— Tu n’avais pas grande idée de moi et je le sentais. Je te haïssais presque, et pourtant je t’enviais.

— Moi, voilà la différence, dit Flavien, et je m’en souviens bien, je t’aimais.

— Et pourquoi ?

— Je n’en sais rien. Mes parents te trouvaient suffisant et sot. Cela me faisait de la peine, je savais que tu avais de l’esprit.

— Ce n’était donc pas seulement de la politesse, de l’affabilité, ces manières de bon garçon que tu conservas toujours avec moi ?

— Non, c’était un besoin d’équité envers toi. Je t’aurais voulu moins savant et moins content de toi-même à certains égards ; mais, quand on te refusait ce qui était