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agréables pour faire oublier et pardonner la mauvaise combinaison de l’action, tandis que, parfois aussi, l’intérêt et l’habileté de cette combinaison font que le style sans charme et les détails sans vraisemblance trouvent grâce devant le lecteur. Mais je demande ce qu’un fait a jamais prouvé, et je défie bien qu’on me réponde. Si aucun fait particulier ne prouve dans l’histoire réelle des hommes, comment le récit d’un fait imaginaire prouverait-il ? comment pourrait-il être invoqué comme une conclusion quelconque aux théories que le narrateur a pu soulever et discuter en passant, ou faire discuter par ses personnages ? En vérité, que le bon triomphe du mauvais à la fin, ou que le méchant mange le juste, que la veuve se console ou meure d’une fluxion de poitrine, que le traître fasse fortune ou qu’il aille aux galères, que l’homme vertueux soit récompensé par la société ou par le simple témoignage de sa conscience, j’avoue que cela m’est bien égal, pourvu que leurs existences se soient liées et dénouées d’une manière qui m’intéresse jusqu’au bout. Je me trouverais par trop simple, si j’attendais après le parti que prendra la fantaisie de l’auteur, pour me faire une opinion sur le vrai et le faux dans la nature, sur le juste ou l’injuste dans la société.

Si le vaisseau qui ramène Virginie ne faisait pas naufrage au port, cela prouverait-il que les chastes amours sont toujours couronnées de bonheur ? Et de ce que ce maudit vaisseau sombre avec l’intéressante héroïne, cela prouve-t-il que les vrais amants ne sont jamais heureux ?