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ouvrages d’art ; voilà pourquoi je n’ai jamais songé à m’imposer rien de semblable. Mais sans doute il m’est permis aujourd’hui de répondre à cette objection injuste, non pas quant à moi peut-être, car il est fort possible que je n’aie fait preuve que d’impuissance en ne concluant pas, mais injuste au premier chef envers le roman en général.

On aime assez, depuis les contes de fées jusqu’aux mélodrames, que le vice soit puni et la vertu récompensée. Pour mon compte, cela me plaît aussi, je l’avoue ; mais cela ne prouve malheureusement rien, ni dans un conte, ni dans un drame. Quand le vice n’est pas puni dans un livre ou sur un théâtre, ce qui est tout aussi vrai dans la vie réelle que le sort contraire, il n’est pas prouvé, pour cela, que le vice ne soit pas haïssable et punissable. Quand la vertu n’est pas plus récompensée dans la fiction littéraire qu’elle ne l’est souvent dans la réalité, l’auteur, eût-il voulu prouver cette énormité, que la vertu est inutile en ce monde, n’en aurait pas moins prouvé une seule chose, à savoir, qu’il est fort injuste et quelque peu absurde.

Qu’est-ce que la fable d’un roman, d’une tragédie, d’une narration quelconque ? C’est l’histoire vraie ou fictive d’un fait, c’est un récit. Voilà ce que j’appellerai le roman du roman. Tout ce qu’on y fait entrer d’ornements pour la peinture, ou de réflexions pour la pensée, n’en est que l’accessoire ; mais ce sont des choses si distinctes, que ces accessoires semblent quelquefois assez