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Thierray put aller déposer le bouquet sur le clavecin sans être observé.

Olympe et Benjamine étaient habillées de même, en rose. La belle-mère avait dû céder aux désirs de l’enfant, qui prétendait fêter par là l’arrivée de son père chéri, et dont la passion était de copier les vêtements d’Olympe avec autant de soin que ses sœurs en mettaient à s’en éloigner. Aussi, Nathalie arriva-t-elle l’avant-dernière, avec une toilette bleu céleste, très-belle, mais très-mélancolique ; et Éveline la dernière, avec une robe de foulard bariolée de fleurs et couverte de rubans chatoyants. Chez elle, la profusion et la fantaisie n’excluaient pas le goût. Elle était éblouissante de parure en ayant l’air de s’être arrangée à la hâte et au hasard.

Cette toilette étourdit Thierray.

— Est-elle toujours ainsi, se dit-il, ou suis-je pour quelque chose dans cette gracieuseté ?

Il ne passa pas cinq minutes auprès d’elle, car il arriva précisément qu’elle vint occuper la place restée vide à son côté, sans trouver moyen de lui prouver par ses observations qu’il appréciait sa science et en goûtait les raffinements. Il y avait plusieurs autres commensaux, arrivés pour saluer l’arrivée de Dutertre. Le déjeuner était assez bruyant, à cause du mouvement des valets, de la sonorité de la vaste salle en boiserie, de la gaieté communicative de l’amphitryon et du mouvement incessant de Benjamine. Grâce à ces circonstances, Thierray put bientôt lier une causerie assez animée avec sa voisine.

Elle reçut d’abord avec moquerie les compliments adressés à sa toilette.

— Comment ! monsieur, lui dit-elle, vous faites attention à nos chiffons ? On nous avait dit que vous étiez un homme sérieux.