Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/84

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Quoi ! même la mort ? Oh ! monsieur Sylvestre, que vous êtes donc optimiste !

— Je m’entends, et je ne suis pas si toqué que vous croyez. Restons-en là pour aujourd’hui. Réfléchissez à ma définition ; vous serez plus fort que moi pour en tirer les conséquences, car vous ne la combattrez pas, je vous en réponds. C’est la vérité.

Tu conviendras que voilà un personnage curieux et armé d’une certitude invincible, ce qui n’est pas commun chez un malheureux ; car cet homme, au point de vue matériel, est au plus bas de l’échelle du bien-être.

Je craignis d’être indiscret et j’allais le quitter ; il me retint.

— Si vous voulez me permettre de m’occuper, dit-il, car je ne sais pas rester les mains oisives, vous me ferez bien plaisir de causer encore un peu. J’ai là une guêtre dont les boutons menacent de s’en aller. Parlez-moi pendant que je les recoudrai : dites-moi tout ce que vous voudrez, comme je fais quand je parle à mon chien. Vous ferez une bonne action, car il est bien rare que j’entende quelque chose qui m’échauffe la tête, et je suis forcé souvent de me parler tout haut à moi-même pour ne pas m’endormir dans le positivisme de ma quiétude personnelle.

— Alors, lui dis-je, puisque vous ne voulez pas que je vous entretienne de mes théories, laissez-moi vous parler de vous. Vous êtes donc à la fois spiritualiste et matérialiste ?

— Parbleu !… Enfilez-moi donc mon aiguille : je crois que ma vue commence à baisser un peu, et que dans quelques années il me faudra acheter des lunettes. Ah ! vous croyez que, parce que je suis spi-