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comme une aube de printemps. Rien de plus doux que ses yeux bleus et de plus somptueux que sa chevelure d’or bruni. Toute habillée de blanc, sans aucun joyau, et tenant négligemment son bouquet de camellias sur ses genoux, distraite ou mélancolique, candide et comme craintive, elle me représentait l’image de la pudeur alarmée ou froissée. Pauvre fille riche ! sait-elle que sa richesse est une souillure ? Sait-elle qu’entre la main d’un honnête homme et sa dot il y a un abîme que ses larmes ne pourraient combler ? Malheur à celui qui l’aimerait ! Cette pensée m’a mis en fuite. Je ne veux plus jamais la regarder.

Je suis rentré dans mon village à minuit, un peu attristé, un peu las de ma journée. Je suis censé reparti pour le Midi. Les Diamant me gardent fidèlement le secret. Je m’appelle ici M. Pierre tout court. Me voilà tranquille pour un bout de temps.

Le susdit village n’a qu’une rue, mais d’une demi-lieue de long. Il suit à mi-côte une colline qui fait face à celle dont j’ai la vue. Le débarcadère du chemin de fer est à l’entrée du village, et j’habite du côté de la sortie. Encore, quand j’ai gagné à pied le bout de cette longue rue, ai-je à descendre par un chemin noir, à travers les cultures, pour gagner ma porte. La lune n’était pas levée, et je suis venu à tâtons par ce chemin désert où l’on n’aperçoit pas même l’ombre d’un chien errant. Si la mère Agathe, qui me dorlote, ne m’eût attendu, et que je n’eusse vu briller sa lumière à la fenêtre, je ne sais si j’aurais retrouvé mon gîte. En me dirigeant vers cette étoile polaire, j’ai vu briller l’autre étoile mystérieuse à l’autre versant du vallon. Se regardent-elles, se voient-elles l’une l’autre, ces deux pauvres étoiles terrestres ? Celui ou celle