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m’ont porté au hasard, et j’ai vite découvert que, si le chemin qui de ma porte mène au lavoir est piétiné, boueux, insupportable, sitôt qu’on est en pleins champs, les sentiers sablonneux sont riants et propres. J’étais en train de faire cette réflexion de haute philosophie que, grâce à des chemins si praticables et si doux, je pourrais faire durer longtemps mes chaussures, lorsque je me suis trouvé, je ne sais comment, dans un parc qui couronne à ma gauche la dépression de la colline et qui s’étend au revers jusqu’à une villa de confortable apparence. Je n’aime pas la promenade entre quatre murailles, pourtant il faut bien désirer la conservation de ces vieux parcs où les arbres centenaires sont à l’abri de l’exploitation. Les pays privés de ce luxe menacent fort d’être dépouillés d’un jour à l’autre. Comme j’admirais une allée de tilleuls d’une beauté remarquable, tous égaux de hauteur et de volume, je me suis trouvé face à face avec Louis Duport. Aucun moyen de l’éviter et d’échapper à ses questions.

— Que diable fais-tu ici ?

— Et toi-même ?

— Oh ! moi, dit-il, je viens chez Gédéon absent, chercher… Mais tu vas rire ! Figure-toi, mon cher, que je suis amoureux… Je crois que je vais me marier. La personne a pris fantaisie de vanter je ne sais quelle fleur rare dont je me suis bien gardé de retenir le nom ; mais je l’ai écrit… J’ai fait tous les fleuristes de Paris. Rien ! Enfin, par hasard, Gédéon me dit : « J’ai ça chez moi, à la campagne. Va le chercher. » Or, me voilà ! À ton tour de me dire… Est-ce que tu viendrais aussi faire un bouquet pour ton amante ?