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menaçait de réagir sur son appréciation des personnes et des choses. Poussé trop loin, le scepticisme rend méfiant. C’est là un malheur et une maladie. L’amour l’en a préservé, le cœur est guéri : il saura être heureux. La femme adorablement bonne qui se charge de sa vie ne le laissera pas retomber dans l’effroi de vivre ; mais, si les circonstances nous modifient, elles ne nous transforment pas d’un jour à l’autre, et j’aurais une pauvre opinion d’un homme qui passerait du doute à l’enthousiasme, comme on voit certains cerveaux affaiblis et détériorés se jeter tout à coup dans le mysticisme pour échapper à l’impuissance ou à la folie. Non, la saine philosophie, la sainte vérité ne fait pas de miracles, et ces conversions-là ne seraient pas dignes d’elle. Il n’y a pas dans le passé de refuge contre l’implacable appel de l’avenir, et, quelque forme que prenne l’éternelle doctrine du spiritualisme, jamais elle n’aura le droit de s’imposer à la conscience humaine comme un coup d’État à une société lassée de désordre, ou comme une révélation fantastique à un malade exténué d’insomnie. Il faut que l’homme valide cherche lui-même sa raison de croire ou de nier, et l’influence des autres hommes doit se borner à provoquer ses réflexions. La foi surprise n’est pas la foi. Il faut laisser aux capucins et aux prédicateurs à la mode ces conquêtes d’ignorants ou de femmelettes, vrais tours de gobelets où la pauvre raison escamotée n’est guère plus précieuse que la noix muscade des jongleurs.

Il est fort possible que notre ami ne croie jamais d’une manière absolue et complète à ce que nous croyons. Eh bien, ne vous en affectez pas, mon cher