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se mariera pas avant le printemps. La santé s’améliore de jour en jour ; mais l’hiver retarde en effet le retour complet des forces, et il y a encore à combattre cette petite fièvre nerveuse qui reparaît de temps en temps. Ce que vous prescrivez au corps, je l’aurais volontiers prescrit à l’âme. Savoir attendre le bonheur, c’est s’en rendre digne. L’apprentissage du respect envers la femme est la vertu de l’amant ; c’est la dot morale de l’époux.

Vous terminez votre lettre par un mot auquel j’éprouve le besoin de répondre : J’espère que l’ermite te convertira complètement au spiritualisme.

Mon cher enfant, l’ermite n’est pas un convertisseur. Je soutiens mon opinion quand on veut que je cause ; mais la plupart du temps j’aime mieux la fortifier et l’éclairer en moi-même en écoutant celle des autres. Je suis un vieux rêveur très-patient, vous savez pourquoi. Je dis toujours de la vérité, comme du bonheur : « Cela est en nous et hors de nous, — et cela est surtout au delà de nous. »

Je compte tant sur la lumière à venir, que les ombres du présent ne me découragent jamais. Je crois fermement à ma doctrine ; mais aucune doctrine ne m’irrite, quand ce n’est pas une des doctrines de mort du passé. J’ignore si notre ami Pierre deviendra un croyant comme nous et comme Aldine. C’est beaucoup pour lui que de ne plus être aussi affirmatif dans la négation et de pouvoir dire avec attendrissement : Qui sait ? C’est un esprit amoureux de sincérité, et la droiture de son cœur est si grande, que, chez lui, le doute est un scrupule d’honnête homme, et jamais une vanité d’impuissant. Cette disposition intellectuelle m’a inquiété, quand elle