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qui ne me plaît mie, comme on dit chez nous, non plus que la belle Rébecca. Ces deux astres de toilette n’ont pas plus de cœur l’une que l’autre, et mademoiselle Vallier a fait preuve de bonté plus que de clairvoyance en prenant en si généreuse amitié la petite-fille de l’ermite. L’ermite a été le premier à ouvrir les yeux ; il sent bien que cette enfant n’a rien de lui, et il m’a dit à plusieurs reprises :

— On serait bien sot de se tourmenter de son avenir. Elle est plus forte que nous tous, elle n’a ni sensibilité ni imagination, elle fera sa place dans le monde, et, selon le monde, ce sera une très-belle place. J’espère qu’elle sera vertueuse par égoïsme. Amen ! Je n’ai rien à lui enseigner dans cet ordre d’idées.

Mademoiselle Vallier persiste à lui trouver des qualités ; elle dit qu’elle est très-franche et très-généreuse, pourvu qu’elle se sente la plus forte ou qu’elle puisse jouer le plus beau rôle. Il paraît que, dans la nuit où Jeanne a fait sa dernière tentative auprès de Pierre, et où elle lui a promis d’être son amie, elle a tenu parole en révélant à mademoiselle Vallier l’amour qu’il avait pour elle, et en lui disant qu’elle saurait bien la délivrer des poursuites de Gédéon. Que n’a-t elle réussi plus tôt ! mon pauvre Pierre ne serait pas sur le flanc. Quant à triompher avec le temps de la passion de M. Nuñez pour une autre, je commence à croire qu’elle en viendra à bout. Ne me sachant pas initié à ses grands projets, elle ne s’est pas méfiée de mes observations, et j’ai vu, à sa dernière visite avec lui, qu’elle le tenait déjà par une oreille. Abasourdi comme il l’est par les deux catastrophes qu’il a provoquées, la mort un instant imminente de Pierre et l’aversion dès lors inexorable de mademoiselle Vallier, il ne sait