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mystérieusement disparu de la scène du monde depuis une dizaine d’années.

— Je ne puis vous répondre, leur dit Gédéon. Je ne sais rien. Je crois bien que mademoiselle Vallier et l’ami Pierre savent tout ; mais ils ne vous le diront pas. Ils sont impénétrables.

Je regardais attentivement la figure de Gédéon pendant qu’il parlait ainsi. J’ai cru voir qu’il en sait autant que nous. Est-ce avec la permission de l’ermite que mademoiselle Vallier lui a confié son secret ? est-ce l’ermite lui-même qui a parlé ? Nous avons calmé les deux vieilles filles en leur disant que tous leurs efforts pour attirer M. Sylvestre dans leur salon resteraient parfaitement inutiles et ne lui seraient nullement agréables. Et, comme elles s’extasiaient sur l’étrange amour de cet homme pour la solitude et la pauvreté, mademoiselle Vallier leur a répondu de manière à leur faire sentir qu’elle appréciait beaucoup plus la liberté d’une telle existence que l’opulence dont elles font si grand cas. Nouvelle surprise de leur part.

— C’est que vous ne savez pas, leur dit-elle, les compensations que l’on trouve dans l’indépendance et dans le sentiment de sa force. Pour ceux qui ont passé par la vie restreinte à sa plus simple expression, tout ce qui vous parait nécessaire semble absolument inutile, et beaucoup de choses que vous trouvez agréables sont à leurs yeux importunes et fatigantes.

Elles ont beaucoup réclamé contre ce qui leur semblait être un paradoxe. Gédéon, pensif, ne disait rien. J’ai cru pouvoir parler et dire que le seul bonheur d’une âme élevée comme celle de mademoiselle Vallier était de se dévouer.