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pêche d’écouter et de comprendre la théorie conjugale de M. Nuñez.

Enfin, malgré mon impatience de sincérité, je suis forcée de consentir à réfléchir trois mois avant de lui dire non absolument. Il me promet de ne plus me questionner ni me prêcher jusqu’à la fin de cette épreuve. Il s’impose le silence, il me jure qu’il ne sera ni troublé, ni importun, ni chagrin. Il combat la terreur que j’ai de me conduire en coquette qui se fait attendre et désirer, en me jurant qu’il n’a pas de passion pour moi dans le sens que l’on donne à ce mot. Sa passion, c’est sa volonté, dit-il, et il est assez fort pour vaincre l’impatience et le dépit. Dois-je me fier à ces promesses qui annoncent une grande énergie de caractère ou une raison supérieure à toute émotion ? J’ai peur d’être vaine et ridicule en doutant de son empire sur lui-même, car en somme je ne suis pas bien jolie et ne me crois pas assez brillante pour tourner une tête si positive dans la gouverne de ses affaires. Je l’ai pourtant menacé, s’il manquait à son serment, de quitter brusquement sa maison et de m’en aller bien loin. Il n’a fait qu’en rire ; il dit qu’une fille pauvre ne peut aller loin, et qu’un homme riche la découvre en deux jours, fût-elle cachée dans une cave. C’est une menace de me poursuivre et de m’obséder ; mais je ne le crains pas du tout, preuve que je ne l’aime pas. En voilà bien assez sur mon compte ; parlons de Jeanne. La voilà installée ici avec madame Duport. Ce n’est pas la mère adoptive que je lui aurais choisie ; mais il n’y aura pas autant d’inconvénients que je l’avais craint d’abord. La belle Rébecca est fort mondaine et ne se plaît à la campagne que les jours où Paris vient l’y trouver. Or, comme on ne peut pas