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plaira peut-être plus ; mais, en attendant… D’ailleurs, je me suis peut-être trompé. Il se peut qu’il n’ait aucun projet, qu’il ne l’ait même jamais vue. Elle jure que non, que cela ne se peut pas, qu’elle cache soigneusement sa figure, afin de cacher sa jeunesse aux gens qu’elle ne connaît pas, qu’elle ne se met jamais à sa fenêtre sans savoir qui l’appelle ; enfin elle s’étonne grandement de mes questions et de mon inquiétude, et j’ai eu peur de lui en trop montrer. J’ai été forcé de me rabattre sur les propos qu’on pourrait faire sur son compte. Elle répond qu’on fait toujours des propos, et qu’on y est peut-être plus exposé dans la solitude que partout ailleurs. Elle me rappelle les histoires qu’on a faites longtemps sur mon compte et les suppositions malveillantes dont elle-même a été l’objet pendant plus d’une année. À présent, on voit sa vie, et on lui rend justice. Eh bien, si on jase d’abord de sa résidence à la Tilleraie, on cessera de jaser quand on y verra sa conduite ; la vérité triomphe toujours dans l’opinion : la pauvre enfant croit cela !… Bref, elle a été étonnée de me voir lui déconseiller une chose si avantageuse pour elle, et je crois bien que la petite Zoé est furieuse contre moi. Elle s’imagine que « vivre dans belle maison, avec des bancs pour s’asseoir dans grand jardin, et ne plus voir maîtresse faire le ménage, la lessive et la cuisine, » sont des joies qui la guériront du jour au lendemain. Pour conclure, on me prie de réfléchir à ma première impression, et, sans entrer en révolte contre le vieux ami, on espère que je verrai plus clair dans quelques jours. Moi, je ne suis pas sévère ; malheureusement, le besoin de gâter ceux que j’aime, la crainte de les voir souffrir, m’ont toujours rendu incapable de les bien diriger.