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mont, qui était pressé de conclure, amena son neveu le lendemain, et, comme mon père ne s’y attendait pas, comme je n’étais pas avertie, et que j’avais passé la nuit à babiller avec Zoé sur les perfections présumées de mon fiancé, je dormais tout de bon dans le hamac quand il arriva. Zoé, qui me berçait, s’endormit aussi, et nous n’entendîmes rien de ce qui se passait dans le salon voisin. Tout à coup les voix s’élevèrent, la porte était ouverte. Je fis signe à Zoé de ne pas bouger. Nous ne dormions plus, nous écoutions. Une voix jeune disait :

» — Jamais, mon oncle ! Cette fille est un monstre, et son père…

» Je ne vous répéterai pas le mot, mais imaginez ce qu’il y a de pis !

» — Jamais, disait le neveu, — car c’était bien lui, — jamais un honnête homme n’épousera mademoiselle Aubry !

» — Tais-toi ! tais-toi ! sortons, pas d’esclandre ici ! répondit l’oncle.

» Et il l’emmena brusquement.

» Je m’étais élancée du hamac pour l’apercevoir ; l’oncle le poussa le premier hors du salon, je ne vis que le dos de l’oncle. Je n’ai jamais su le nom du jeune homme.

» Mon père m’annonça qu’il était venu et qu’il reviendrait le lendemain. Je savais bien qu’il ne reviendrait pas, et je n’en dis rien, il ne revint jamais.

» Vous pensez bien que, repoussée ainsi et qualifiée de monstre, je me le tins pour dit. Je n’ai plus jamais songé au mariage, et, mon père n’ayant plus rencontré pour moi de parti selon ses vues, je me suis ap-