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qu’un nuage passa devant mes yeux, et pendant un instant je ne la vis plus.

Passez-moi une puérilité. Il faut que je vous dise comment elle était habillée. Elle ne remit jamais ce costume depuis cette nuit étrange, et pourtant je me le rappelle minutieusement. Il y a longtemps de cela. Eh bien ! je vivrais encore autant que j’ai vécu, que je n’oublierais pas un seul détail, tant j’en fus frappé au milieu du tumulte qui se faisait au dedans et au dehors de moi, au milieu des coups de fusil qui battaient le rempart, des éclairs qui sillonnaient le ciel, et des palpitations violentes qui précipitaient mon sang de mon cœur à mon cerveau, et de ma tête à ma poitrine.

Oh ! qu’elle était belle ! Il me semble que son spectre passe encore devant mes yeux. Je crois la voir, vous dis-je, avec son costume d’amazone qu’on portait dans ce temps-là. Ce costume consistait en une jupe de drap très ample ; le corps serré dans un gilet de satin gris de perle boutonné, et une écharpe rouge autour de la taille ; en dessus, on portait la veste de chasse galonnée, courte et ouverte par devant ; un chapeau de feutre gris à grands bords, relevés sur le front, et ombragé d’une demi-douzaine de plumes rouges, surmontait des cheveux sans poudre, retroussé autour du visage et tombant par derrière en deux longues tresses, comme ceux des Bernoises. Ceux d’Edmée étaient si longs qu’ils descendaient presque à terre.

Cette parure fantastique pour moi, cette fleur de jeunesse et ce bon accueil qu’elle semblait faire à mes prétentions, c’en était bien assez pour me rendre fou d’amour et de joie. Je ne comprenais rien de plus agréable qu’une belle femme qui se donnait sans paroles grossières et sans larmes de honte. Mon premier mouvement fut de la saisir dans mes bras ; mais comme vaincu par ce besoin irrésis-