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La parole expira sur ses lèvres ; un coup de fusil venait de se faire entendre au dehors. Une décharge de couleuvrine y répondit, et la trompe d’alarme ébranla de sons lugubres les tristes murailles du donjon. Mlle de Mauprat retomba sur sa chaise. Je restai immobile, ne sachant si c’était une nouvelle scène de comédie imaginée pour se divertir de moi, et décidé à ne point me mettre en peine de cette alarme jusqu’à ce que j’eusse la preuve certaine qu’elle n’était pas simulée.

— Allons, lui dis-je en me rapprochant d’elle, convenez que tout ceci est une plaisanterie. Vous n’êtes pas mademoiselle de Mauprat, et vous voulez savoir si je suis un apprenti capable de faire l’amour.

— J’en jure par le Christ, répondit-elle en prenant mes mains dans ses mains froides comme la mort ; je suis Edmée, votre parente, votre prisonnière, votre amie ; car je me suis toujours intéressée à vous, j’ai toujours supplié mon père de ne pas vous abandonner… Mais écoutez, Bernard, on se bat, on se bat à coups de fusil ! C’est mon père qui vient me chercher sans doute, et on va le tuer ! Ah ! s’écria-t-elle en tombant à genoux devant moi, allez empêcher cela, Bernard, mon enfant ! Dites à vos oncles de respecter mon père, le meilleur des hommes, si vous saviez ! Dites-leur que, s’ils nous haïssent, s’ils veulent verser du sang, eh bien, qu’ils me tuent ! qu’ils m’arrachent le cœur, mais qu’ils respectent mon père…

On m’appela du dehors d’une voix véhémente.

— Où est ce poltron ? où est cet enfant de malheur ? disait mon oncle Laurent.

On secoua la porte ; je l’avais si bien fermée qu’elle résista à des secousses furieuses.

— Ce misérable lâche s’amuse à faire l’amour pendant qu’on nous égorge ! Bernard, la maréchaussée nous attaque.