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XXX


Nous revînmes à Sainte-Sévère à l’expiration du deuil d’Edmée, époque fixée pour notre mariage. Lorsque nous avions quitté cette province où nous avions éprouvé l’un et l’autre de si profonds dégoûts et de si grands malheurs, nous nous étions imaginé que nous ne sentirions jamais le besoin d’y revenir ; et pourtant telle est la force des souvenirs de l’enfance et le lien des habitudes domestiques, qu’au sein d’un pays enchanteur, et qui ne nous rappelait aucune amertume, nous avions vite regretté notre Varenne triste et sauvage, et soupiré après les vieux chênes de notre parc. Nous y rentrâmes avec une joie profonde et respectueuse. Le premier soin d’Edmée fut de cueillir les belles fleurs du jardin et d’aller les déposer à genoux sur la tombe de son père. Nous baisâmes cette terre sacrée, et nous y fîmes le serment de travailler sans cesse à laisser un nom respectable et vénéré comme le sien. Il avait souvent porté cette ambition jusqu’à la faiblesse, mais c’était une faiblesse noble et une sainte vanité.

Notre mariage fut célébré dans la chapelle du village, et la noce se fit en famille ; aucun autre qu’Arthur, l’abbé, Marcasse et Patience ne s’assit à notre banquet modeste. Qu’avions-nous besoin de spectateurs étrangers à notre bonheur ? Ils eussent peut-être cru nous faire une grâce en venant couvrir de leur importance les taches de notre fa-