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d’un tardif repentir. La peur de l’enfer est la seule foi des âmes viles.

Je ne fus pas plus tôt acquitté, réhabilité et élargi, que je courus auprès d’Edmée ; j’arrivais pour assister aux derniers moments de mon grand-oncle. Il recouvra, vers sa fin, non la mémoire des événements, mais celle du cœur. Il me reconnut, me pressa sur sa poitrine, me bénit en même temps qu’Edmée et mit ma main dans celle de sa fille. Après que nous eûmes rendu les derniers devoirs à cet excellent et noble parent, dont la perte nous fut aussi douloureuse que si nous ne l’eussions pas prévue et attendue depuis longtemps, nous quittâmes pour quelque temps le pays, afin de n’être pas témoins de l’exécution d’Antoine, qui fut condamné au supplice de la roue. Les deux faux témoins qui m’avaient chargé furent fouettés, flétris et chassés du ressort du présidial. Mlle Leblanc, que l’on ne pouvait accuser précisément de faux témoignage, car elle n’avait guère procédé que par induction, se déroba, au mécontentement public, et alla vivre dans une autre province avec assez de luxe pour faire penser qu’elle avait reçu des sommes considérables pour me perdre.

Nous ne voulûmes pas nous séparer, même momentanément, de nos excellents amis, de mes seuls défenseurs, Marcasse, Patience, Arthur et l’abbé Aubert. Nous montâmes tous dans la même voiture de voyage : les deux premiers, habitués au grand air, occupèrent volontairement le siège extérieur ; nous les traitâmes sur le pied de la plus parfaite égalité. Jamais, dès lors, ils n’eurent d’autre table que la nôtre. Quelques personnes eurent le mauvais goût de s’en étonner ; nous laissâmes dire. Il est des circonstances qui effacent radicalement toutes les distances imaginaires ou réelles du rang et de l’éducation.

Nous visitâmes la Suisse. Arthur jugeait ce voyage