Page:Sand - Mauprat.djvu/410

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que, non seulement Edmée m’aimait ardemment, mais qu’elle avait senti de l’amour pour moi dès les premiers jours de notre entrevue. Il l’affirma par serment, tout en appuyant un peu plus sur mes torts passés que ne l’avait fait Edmée. Il avoua qu’il avait craint plusieurs fois alors que ma cousine ne fit la folie de m’épouser, mais qu’il n’avait jamais eu de crainte pour sa vie, puisque d’un mot et d’un regard il l’avait toujours vue me réduire, même à l’époque de ma plus mauvaise éducation.

La continuation des débats fut remise à l’issue des perquisitions ordonnées pour découvrir et arrêter l’assassin. On compara mon procès à celui de Calas, et cette comparaison n’eut pas plus tôt cours dans les conversations que mes juges, se voyant en butte à mille traits sanglants, éprouvèrent par eux-mêmes que la haine et la prévention sont de mauvais conseillers et des guides dangereux. L’intendant de la province se déclara le champion de ma cause et le chevalier d’Edmée, qu’il reconduisit en personne auprès de son père. Il mit sur pied toute la maréchaussée. On agit avec vigueur, on arrêta Jean de Mauprat. Quand il se vit saisi et menacé, il livra son frère et déclara qu’on le trouverait toutes les nuits réfugié à la Roche-Mauprat, et caché dans une chambre secrète où la femme du métayer l’aidait à se renfermer à l’insu de son mari.

On conduisit le trappiste sous bonne escorte à la Roche-Mauprat, afin qu’il révélât cette chambre secrète, à laquelle, malgré tout son génie à explorer les murailles et les charpentes, l’ancien chasseur de fouines, le taupeur Marcasse, n’avait jamais pu parvenir. On m’y conduisit moi-même, afin que j’aidasse à retrouver cette chambre ou les passages qui pouvaient y aboutir, au cas où le trappiste se départirait de la sincérité de ses intentions. Je revis donc encore une fois ce manoir détesté avec son ancien chef de brigands