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manqué, et, par une sorte de fatalité inconnue, son cerveau avait été complètement rebelle au peu d’instruction qu’il avait été à même de recevoir. Ainsi il avait été à l’école chez les Carmes de ***, et, au lieu de ressentir ou de montrer de l’aptitude, il avait fait l’école buissonnière avec plus de délices qu’aucun de ses camarades. C’était une nature éminemment contemplative, douce et indolente, mais fière, et poussant jusqu’à la sauvagerie l’amour de l’indépendance ; religieuse, mais ennemie de toute règle ; un peu ergoteuse, très méfiante, implacable aux hypocrites. Les pratiques du cloître ne lui imposèrent pas, et, pour avoir eu une ou deux fois son franc-parler avec les moines, il fut chassé de l’école. Depuis ce temps, il fut grand ennemi de ce qu’il appelait la monacale et se déclara ouvertement pour le curé de Briantes, qu’on accusait d’être janséniste. Mais le curé ne réussit pas mieux que les moines à instruire Patience. Le jeune paysan, quoique doué d’une force herculéenne et d’une grande curiosité pour la science, montrait une aversion insurmontable pour toute espèce de travail, soit physique, soit intellectuel. Il professait une philosophie naturelle à laquelle il était bien difficile au curé de répondre. On n’avait pas besoin de travailler, disait-il, quand on n’avait pas besoin d’argent, et on n’avait pas besoin d’argent quand on n’avait que des besoins modérés. Patience prêchait d’exemple : dans l’âge des passions, il eut des mœurs austères, ne but jamais que de l’eau, n’entra jamais dans un cabaret, ne sut point danser et fut toujours fort timide avec les femmes, auxquelles, d’ailleurs, son caractère bizarre, sa figure sévère et son esprit un peu railleur ne plurent point. Comme s’il eût aimé à se venger, par le dédain, de cette défaveur, ou à s’en consoler par la sagesse, il se plaisait, comme autrefois Diogène, à dénigrer