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questions que certainement Bernard ne l’avait pas fait exprès, et plusieurs fois même, durant les trois premiers jours, elle demanda à le voir. Mais, quand elle avait la fièvre, elle criait :

« — Bernard ! Bernard ! vous avez commis un grand crime, vous avez tué mon père ! »

C’était là son idée ; elle croyait réellement que son père était mort, et elle l’a cru longtemps. Elle a donc dit très peu de chose qui ait de la valeur. Tout ce que Mlle Leblanc lui a fait dire est faux. Au bout de trois jours, elle a cessé de dire des paroles intelligibles, et, au bout de huit jours, sa maladie a tourné à un silence complet. Elle a chassé Mlle Leblanc depuis sept jours qu’elle a retrouvé sa raison, ce qui prouverait bien quelque chose contre cette fille de chambre. Voilà ce que j’ai à dire contre M. de Mauprat. Il ne tenait qu’à moi de le taire ; mais, ayant autre chose à dire encore, j’ai voulu révéler toute la vérité.

Patience fit une pause ; l’auditoire et la cour elle-même, qui commençait à s’intéresser à moi et à perdre l’âcreté de ses préventions, restèrent comme atterrés d’une déposition si différente de celle qu’on attendait.

Patience reprit la parole :

— Je suis resté convaincu pendant plusieurs semaines, dit-il, du crime de Bernard. Et puis j’ai beaucoup réfléchi à cela ; je me suis dit bien des fois qu’un homme aussi bon et aussi instruit que l’était Bernard, un homme dont Edmée faisait tant d’estime, et que M. le chevalier de Mauprat aimait comme son fils, un homme enfin qui avait tant d’idée sur la justice et sur la vérité, ne pouvait pas du jour au lendemain devenir un scélérat. Et puis il m’est venu l’idée que ce pouvait bien être quelque autre Mauprat qui eût fait le coup. Je ne parle pas de celui qui est trappiste, ajouta-t-il en cherchant dans l’au-