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— Allez donner vos soins à la malade, dit le président. Elle sera appelée dans deux heures si vous croyez que ce temps suffise pour mettre fin à son évanouissement. En attendant, la cour entendra le témoin à la requête duquel le premier jugement n’a point reçu d’exécution.

Arthur se retira, et Patience fut introduit. Il était vêtu proprement ; mais après avoir dit quelques paroles, il déclara qu’il lui était impossible de continuer si on ne lui permettait pas d’ôter son habit. Cette toilette d’emprunt le gênait tellement et lui semblait si lourde qu’il suait à grosses gouttes. Il attendit à peine un signe d’adhésion accompagné d’un sourire de mépris que lui fit le président, pour jeter à terre ces insignes de la civilisation, et, abaissant avec soin les manches de sa chemise sur ses bras nerveux, il parla à peu près ainsi :

— Je dirai la vérité, toute la vérité. Je lève la main une seconde fois, car j’ai à dire des choses qui se contredisent et que je ne peux pas m’expliquer moi-même. Je jure devant Dieu et devant les hommes que je dirai ce que je sais, comme je le sais, sans être influencé pour ni contre personne.

Il leva sa large main et se tourna vers le peuple avec une confiance naïve, comme pour lui dire : « Vous voyez tous que je jure, et vous savez que l’on peut croire en moi. » Cette confiance de sa part n’était pas mal fondée. On s’était beaucoup occupé, depuis l’incident du premier jugement, de cet homme extraordinaire qui avait parlé devant le tribunal avec tant d’audace et harangué le peuple en sa présence. Cette conduite inspirait beaucoup de curiosité et de sympathie à tous les démocrates et philadelphes. Les œuvres de Beaumarchais avaient, auprès des hautes classes, un succès qui vous expliquera comment Patience,