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asseoir sur un large fauteuil que les huissiers roulèrent vers elle avec empressement, et qu’un cri d’admiration remplit l’auditoire lorsque la beauté pâle et sublime d’Edmée lui apparut.

En ce moment, j’oubliai et la foule et le tribunal, et ma cause et l’univers entier. Je crois qu’aucune force humaine n’aurait pu s’opposer à mon élan impétueux. Je me précipitai comme la foudre au milieu de l’enceinte, et, tombant aux pieds d’Edmée, j’embrassai ses genoux avec effusion. On m’a dit que ce mouvement entraîna le public, et que presque toutes les dames fondirent en larmes. Les jeunes élégants n’osèrent railler ; les juges furent émus. La vérité eut un instant de triomphe complet.

Edmée me regarda longtemps. L’insensibilité de la mort était sur son visage. Il ne semblait pas qu’elle pût jamais me reconnaître. L’assemblée attendit dans un profond silence qu’elle exprimait sa haine ou son affection pour moi. Tout à coup elle fondit en larmes, jeta ses bras autour de mon cou et perdit connaissance. Arthur la fit emporter aussitôt ; il eut de la peine à me faire retourner à ma place. Je ne savais plus où j’étais ni de quoi il s’agissait ; je m’attachais à la robe d’Edmée, je voulais la suivre. Arthur, s’adressant à la cour, demanda qu’on fît constater de nouveau l’état de la malade par les médecins qui l’avaient examinée dans la matinée. Il demanda et obtint qu’Edmée fût de nouveau appelée en témoignage et confrontée avec moi lorsque la crise qu’elle subissait en cet instant serait passée.

— Cette crise n’est pas grave, dit-il ; Mlle  de Mauprat en a éprouvé plusieurs du même genre ces jours derniers et pendant son voyage. À la suite de chacun de ces accès, ses facultés intellectuelles ont pris un développement de plus en plus heureux.