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tendre ; j’aime mieux le tribunal des lois que celui de l’opinion.

Je m’élançai hors de la chaumière et je retournai au château. Cependant, ne voulant pas faire d’esclandre devant les valets, et sachant bien qu’on ne pourrait me cacher le véritable état d’Edmée, j’allai m’enfermer dans la chambre que j’habitais ordinairement.

Mais, au moment où j’en sortais, vers le soir, pour savoir des nouvelles des deux malades, Mlle Leblanc me dit de nouveau qu’on me demandait dehors. Je remarquai sur son visage une double expression de satisfaction et de peur. Je compris qu’on venait m’arrêter, et je pressentis (ce qui était vrai) que Mlle Leblanc m’avait dénoncé. Je me mis à la fenêtre, et je vis dans la cour les cavaliers de la maréchaussée.

— C’est bien, dis-je, il faut que mon destin s’accomplisse.

Mais, avant de quitter, pour toujours peut-être, cette maison où je laissais mon âme, je voulus revoir Edmée pour la dernière fois. Je marchai droit à sa chambre. Mlle Leblanc voulut se jeter en travers de la porte ; je la poussai si rudement qu’elle tomba, et se fit, je crois, un peu de mal. Elle remplit la maison de ses cris, et fit grand bruit plus tard, dans les débats, de ce qu’il lui plaisait d’appeler une tentative d’assassinat sur sa personne. J’entrai donc chez Edmée ; j’y trouvai l’abbé et le médecin. J’écoutai en silence ce que disait celui-ci. J’appris que les blessures n’étaient pas mortelles par elles-mêmes, qu’elles ne seraient même pas très graves, si une violente irritation du cerveau ne compliquait le mal et ne faisait craindre le tétanos. Ce mot affreux tomba sur moi comme un arrêt de mort. À la suite de blessures reçues à la guerre, j’avais vu en Amérique beaucoup de personnes