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été aimé, mon enfant, vivez encore aujourd’hui sur le passé.

Je fondis en larmes, et le sergent, qui rentra en cet instant, se mit à pleurer aussi et à me supplier de retourner à la Roche-Mauprat. Mais bientôt je me relevai, et, les repoussant :

— Je sais que vous êtes des hommes excellents, leur dis-je ; vous êtes généreux et vous m’aimez bien, puisque, me croyant souillé d’un crime effroyable, vous songez encore à me sauver la vie. Mais rassurez-vous, mes amis, je suis pur de ce crime, et je désire, au contraire, qu’on cherche des éclaircissements qui m’absoudront, soyez-en sûrs. Je dois à ma famille de vivre jusqu’à ce que mon honneur soit réhabilité. Ensuite, si je suis condamné à voir périr ma cousine, comme je n’ai qu’elle à aimer sur la terre, je me ferai sauter la cervelle. Pourquoi donc serais-je accablé ? Je ne tiens pas à la vie. Que Dieu rende douces et sereines les dernières heures de celle à qui je ne survivrai certainement pas ! C’est tout ce que je lui demande.

Patience secoua la tête d’un air sombre et mécontent. Il était si convaincu de mon crime que toutes mes dénégations m’aliénaient sa pitié. Marcasse m’aimait quand même ; mais je n’avais pour garant de mon innocence que moi seul au monde.

— Si vous retournez au château, vous allez jurer ici de ne pas rentrer dans la chambre de votre cousine ou de votre oncle sans l’autorisation de l’abbé ! s’écria Patience.

— Je jure que je suis innocent, répondis-je, et que je ne me laisserai convaincre de crime par personne. Arrière tous deux ! laissez-moi. Patience, si vous croyez qu’il soit de votre devoir de me dénoncer, allez, faites-le ; tout ce que je désire, c’est qu’on ne me condamne pas sans m’en-