Page:Sand - Mauprat.djvu/351

Cette page a été validée par deux contributeurs.

votre âge ?… Fi ! monsieur… Perdu par la fortune… vous l’êtes… oui.

Patience, toujours impassible, leva les épaules et dit à son ami :

— Marcasse, vous ne savez ce que vous dites. Allez vous reposer au bout du verger. Vous n’avez rien à faire ici, et je ne puis parler qu’à votre maître. Allez, je le veux, ajouta-t-il en le poussant de la main avec une autorité à laquelle le sergent, quoique fier et chatouilleux, céda par instinct et par habitude.

Quand nous fûmes seuls, Patience entra en matière et procéda à un interrogatoire que je résolus de subir afin d’obtenir plus vite moi-même l’éclaircissement de ce qui se passait autour de moi.

— Voulez-vous bien, monsieur, me dit-il, m’apprendre ce que vous comptez faire maintenant ?

— Je compte rester dans ma famille, répondis-je, tant que j’aurai une famille, et, quand je n’aurai plus de famille, ce que je ferai n’intéresse personne.

— Mais, monsieur, reprit Patience, si on vous disait que vous ne pouvez pas rester dans votre famille sans porter le coup de la mort à l’un ou à l’autre de ses membres, vous obstineriez-vous à y rester ?

— Si j’étais convaincu qu’il en fût ainsi, répondis-je, je ne me montrerais pas devant eux ; j’attendrais, au seuil de leur porte, ou le dernier jour de leur vie ou celui de leur rétablissement pour leur redemander une tendresse que je n’ai pas cessé de mériter…

— Ah ! nous en sommes là ! dit Patience avec un sourire de mépris. Je ne l’aurais pas cru. Au reste, j’en suis bien aise, c’est plus clair.

— Que voulez-vous dire ? m’écriai-je. Parlez, misérable ! expliquez-vous.