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blessé, que ce moyen de défense m’était refusé ; et plus l’opprobre du soupçon s’appesantit sur moi, plus je compris qu’il est presque impossible de se défendre avec succès quand on n’a pour soi que la fierté de l’innocence méconnue.

Je restais accablé sans pouvoir proférer une parole. Il me semblait qu’une voûte de plomb me pesait sur le crâne. La porte se rouvrit, et Mlle  Leblanc, s’approchant de moi d’un air haineux et guindé, me dit qu’une personne qui était sur l’escalier demandait à me parler. Je sortis machinalement et je trouvai Patience qui m’attendait, les bras croisés, dans son attitude la plus austère et avec une expression de visage qui m’eût commandé le respect et la crainte si j’eusse été coupable.

— Monsieur de Mauprat, dit-il, il est nécessaire que j’aie avec vous un entretien particulier ; voulez-vous bien me suivre jusque chez moi ?

— Oui, je le veux, répondis-je. Je supporterai toutes les humiliations, pourvu que je sache ce qu’on veut de moi et pourquoi l’on se plaît à outrager le plus infortuné des hommes. Marche, Patience, et va vite, je suis pressé de revenir ici.

Patience marcha devant moi d’un air impassible, et quand nous fûmes arrivés à sa maisonnette, nous vîmes mon pauvre sergent qui venait d’arriver aussi à la hâte. Ne trouvant pas de cheval pour me suivre et ne voulant pas me quitter, il était venu à pied et si vite qu’il était baigné de sueur. Il se releva néanmoins avec vivacité du banc sur lequel il s’était jeté sous le berceau de vigne pour venir à notre rencontre.

— Patience ! s’écria-t-il d’un ton dramatique qui m’eût fait sourire s’il m’eût été possible d’avoir une lueur de gaieté dans de tels instants. Vieux fou !… Calomniateur à