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XXIII


L’abbé entra et me salua d’un air sombre et froid, puis il me fit signe, et, m’éloignant du lit :

— Vous êtes un insensé ! me dit-il. Retournez chez vous, ayez la prudence de ne pas venir ici ; c’est tout ce qui vous reste à faire.

— Et depuis quand, m’écrirai-je transporté de fureur, avez-vous le droit de me chasser du sein de ma famille ?

— Hélas ! vous n’avez plus de famille, répondit-il avec un accent de douleur qui me désarma. D’un père et d’une fille, il ne reste plus que deux fantômes chez qui la vie morale est éteinte et que la vie physique va bientôt abandonner. Respectez les derniers instants de ceux qui vous ont aimé.

— Et comment puis-je témoigner mon respect et ma douleur en les abandonnant ? répondis-je atterré.

— À cet égard, dit l’abbé, je ne veux et ne dois rien vous dire, car vous savez que votre présence est ici une témérité et une profanation. Partez. Quand ils ne seront plus (ce qui ne peut tarder), si vous avez des droits sur cette maison, vous y reviendrez, et vous ne m’y trouverez certainement pas pour vous les contester ou pour vous les confirmer. En attendant, comme je ne connais pas ces droits, je crois pouvoir prendre sur moi de faire respecter jusqu’au bout ces deux saintes agonies.