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il s’agit était plus hardie et plus passionnée qu’aucune des autres. Peut-être fut-elle écrite fatalement sous l’influence de la tempête qui éclatait au ciel, tandis que, courbé sur ma table, le front en sueur, la main sèche et brûlante, je traçais avec exaltation la peinture de mes souffrances. Il me semble qu’il se fit en moi un grand calme, voisin du désespoir, lorsque je me jetai sur mon lit après être descendu au salon et avoir glissé ma lettre dans le panier à ouvrage d’Edmée. Le jour s’envolait vers d’autres régions. Les arbres, chargés de pluie, s’agitaient encore sous la brise fraîchissante. Profondément triste, mais aveuglément dévoué à la souffrance, je m’endormis soulagé, comme si j’eusse fait le sacrifice de ma vie et de mes espérances. Edmée ne parut pas avoir trouvé ma lettre, car elle n’y répondit pas. Elle avait coutume de le faire verbalement, et c’était pour moi un moyen de provoquer de sa part ces effusions d’amitié fraternelle dont il fallait bien me contenter, et qui versaient du moins un baume sur ma plaie. J’aurais dû me dire que, cette fois, ma lettre devait amener une explication décisive, ou être passée sous silence. Je soupçonnai l’abbé de l’avoir soustraite et jetée au feu, j’accusai Edmée de mépris et de dureté ; néanmoins je me tus.

Le lendemain, le temps était parfaitement rétabli. Mon oncle fit une promenade en voiture, et, chemin faisant, nous dit qu’il ne voulait pas mourir sans avoir fait une grande et dernière chasse au renard. Il était passionné pour ce divertissement, et sa santé s’était améliorée au point de rendre à son esprit des velléités de plaisir et d’action. Une étroite berline très légère, attelée de fortes mules, courait rapidement dans les traînes sablonneuses de nos bois, et quelquefois déjà il avait suivi de petites chasses