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XXI


Ces jours, qui s’écoulèrent dans l’intimité, furent pour moi délicieux et terribles. Voir Edmée à toute heure, sans crainte d’être indiscret, puisqu’elle-même m’appelait à ses côtés, lui faire la lecture, causer avec elle de toutes choses, partager les tendres soins qu’elle rendait à son père, être de moitié dans sa vie, absolument comme si nous eussions été frère et sœur, c’était un grand bonheur sans doute, mais c’était un dangereux bonheur, et le volcan se ralluma dans mon sein. Quelques paroles confuses, quelques regards troublés me trahirent. Edmée ne fut point aveugle, mais elle resta impénétrable ; son œil noir et profond, attaché sur moi comme sur son père avec la sollicitude d’une âme exclusive, se refroidissait quelquefois tout à coup au moment où la violence de ma passion était près d’éclater. Sa physionomie n’exprimait alors qu’une patiente curiosité et la volonté inébranlable de lire jusqu’au fond de mon âme sans me laisser voir seulement la surface de la sienne.

Mes souffrances, quoique vives, me furent chères dans les premiers temps ; je me plaisais à les offrir intérieurement à Edmée comme une expiation de mes fautes passées. J’espérais qu’elle les devinerait et qu’elle m’en saurait gré. Elle les vit et ne m’en parla pas. Mon mal s’aigrit, mais il se passa encore des jours avant que je perdisse la force de le cacher. Je dis des jours, parce que, pour qui-