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XIX


Après avoir réfléchi mûrement sur les intentions probables du trappiste, je crus devoir accorder l’entrevue demandée. Ce n’était pas moi que Jean Mauprat pouvait espérer d’abuser par ses artifices, et je voulus faire ce qui dépendait de moi pour éviter qu’il vînt tourmenter de ses intrigues les derniers jours de mon grand-oncle. Je me rendis donc dès le lendemain à la ville, vers la fin des vêpres, et je sonnai, non sans émotion, à la porte des Carmes.

La retraite choisie par le trappiste était une de ces innombrables communautés mendiantes que la France nourrissait ; celle-là, quoique soumise à une règle austère, était riche et adonnée au plaisir. À cette époque sceptique, le petit nombre des moines n’étant plus en rapport avec l’étendue et la richesse des établissements fondés pour eux, les religieux errant dans les vastes abbayes au fond des provinces, au sein du luxe, débarrassés du contrôle de l’opinion (toujours effacée là où l’homme s’isole), menaient la vie la plus douce et la plus oisive qu’ils eussent jamais goûtée. Mais cette obscurité, mère des vices aimables, comme on disait alors, n’était chère qu’aux ignorants. Les chefs étaient livrés aux pénibles rêves d’une ambition nourrie dans l’ombre, aigrie dans l’inaction. Agir, même dans le cercle le plus restreint et à l’aide des élé-