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— Je l’espère, parce que Dieu est bon et grand, parce que sa grâce est efficace, parce qu’elle touchera le cœur de quiconque daignera écouter le langage d’une âme vraiment repentante et fortement convaincue ; parce que mon salut éternel est dans les mains de ce jeune homme, et qu’il ne voudra pas se venger de moi au delà de la tombe. D’ailleurs, il faut que je meure en paix avec ceux que j’ai offensés, il faut que je retombe aux pieds de Bernard Mauprat et qu’il me remette mes péchés. Mes larmes le toucheront, ou, si son âme impitoyable les méprise, j’aurais du moins accompli un impérieux devoir.

Voyant qu’il parlait avec la certitude d’être entendu par moi, je fus saisi de dégoût ; je crus voir la fraude et la lâcheté percer sous cette basse hypocrisie. Je m’éloignai et j’allai attendre l’abbé à quelque distance. Il vint bientôt me rejoindre ; l’entrevue s’était terminée par la promesse mutuelle de se revoir bientôt. L’abbé s’était engagé à me transmettre les paroles du trappiste, qui menaçait, du ton le plus doucereux du monde, de venir me trouver si je me refusais à sa demande. Nous nous promîmes d’en conférer, l’abbé et moi, sans en informer le chevalier ni Edmée, afin de ne pas les inquiéter sans nécessité. Le trappiste avait été se loger à La Châtre, au couvent des Carmes ; ce qui avait mis l’abbé tout à fait sur ses gardes, malgré son premier engouement pour le repentir du pécheur. Ces Carmes l’avaient persécuté dans sa jeunesse, et le prieur avait fini par le forcer à se séculariser. — Le prieur vivait encore, vieux, mais implacable ; infirme, caché, mais ardent à la haine et à l’intrigue. L’abbé n’entendit pas son nom sans frémir ; il m’engagea à me conduire prudemment dans toute cette affaire.

— Quoique Jean Mauprat soit sous le glaive des lois, me dit-il, et que vous soyez au faîte de l’honneur et de la