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doué de facultés supérieures, avait acquis dans le cloître une éloquence mystique. Il parlait avec tant de grâce, de douceur, que je fus pris tout aussi bien que l’abbé. Ce fut en vain que ce dernier essaya de combattre une résolution qui lui semblait insensée ; Jean de Mauprat montra le plus intrépide dévouement à ses idées religieuses. Il dit qu’ayant commis les crimes de l’antique barbarie païenne, il ne pouvait racheter son âme qu’au prix d’une pénitence publique digne des premiers chrétiens.

— On peut, dit-il, être lâche envers Dieu comme envers les hommes, et, dans le silence de mes veilles, j’entends une voix terrible qui répond à mes sanglots :

« — Misérable poltron, c’est la peur des hommes qui te jette dans le sein de Dieu ; et, si tu ne craignais la mort temporelle, tu n’aurais jamais songé à la vie éternelle. »

Alors je sens que ce que je crains le plus, ce n’est pas la colère de Dieu, mais la corde et le bourreau qui m’attendent parmi mes semblables. Eh bien ! il est temps que ma honte finisse vis-à-vis de moi-même, et c’est le jour où les hommes me couvriront d’opprobre et de châtiment que je me sentirai absous et réhabilité à la face du ciel. C’est alors seulement que je me croirai digne de dire à Jésus, mon Sauveur :

« — Écoute-moi, victime innocente, toi qui écoutas le bon larron ; écoute la victime souillée, mais repentante, associée à la gloire de ton martyre, et rachetée par ton sang ! »

— Dans le cas où vous persisteriez dans cette volonté enthousiaste, lui dit l’abbé après lui avoir présenté sans succès toutes les objections possibles, veuillez du moins me dire en quoi vous avez pensé que je consentirais à vous aider.