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disposition bienveillante ou craintive de votre esprit romanesque.

L’abbé sourit, prétendit que je parlais ainsi par rancune, soutint la piété du trappiste, et retomba dans la botanique. Nous passâmes assez de temps à herboriser chez Patience ; et, comme je ne cherchais qu’à échapper à moi-même, je sortis de la cabane avec l’abbé et le conduisis jusqu’au bois où il avait son rendez-vous. À mesure que nous en approchions, l’abbé semblait revenir un peu de son empressement de la veille et craindre d’avoir été trop loin. L’incertitude succédant si vite à l’enthousiasme résumait tellement tout son caractère mobile, aimant, timide, mélange singulier des entraînements les plus opposés, que je recommençai à le railler avec l’abandon de l’amitié.

— Allons, me dit-il, il faut que j’en aie le cœur net et que vous le voyiez. Vous regarderez son visage, vous l’étudierez pendant quelques instants, et vous nous laisserez seuls ensemble, puisque je lui ai promis d’écouter ses confidences.

Je suivis l’abbé par désœuvrement ; mais, quand nous fûmes au-dessus des rochers ombragés d’où la fontaine s’échappe, je m’arrêtai pour regarder le moine à travers le branchage d’un massif de frênes. Placé immédiatement au-dessous de nous, au bord de la fontaine, il interrogeait l’angle du sentier que nous devions tourner pour arriver à lui ; mais il ne songeait pas à regarder l’endroit où nous étions, et nous pouvions le contempler à l’aise sans qu’il nous vît.

À peine l’eus-je envisagé que, saisi d’un rire amer, je pris l’abbé par le bras, je l’entraînai à quelque distance et lui parlai ainsi, non sans une grande agitation :

— Mon cher abbé, n’avez-vous jamais rencontré quelque part autrefois la figure de mon oncle Jean de Mauprat ?