Page:Sand - Mauprat.djvu/296

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour toi. Elle ne veut pas s’expliquer encore. Ce que femme veut, Dieu le veut.

— Ce qu’Edmée veut, je le veux, répondis-je.

Quelques jours après cette scène, qui fit succéder dans mon âme la tranquillité de la mort aux agitations de la vie, je me promenais dans le parc avec l’abbé.

— Il faut, me dit-il, que je vous fasse part d’une aventure qui m’est arrivée hier, et qui est passablement romanesque. J’avais été me promener dans les bois de Briantes, et j’étais descendu à la fontaine des Fougères. Vous savez qu’il faisait chaud comme au milieu de l’été ; nos belles plantes, rougies par l’automne, sont plus belles que jamais autour du ruisseau qu’elles couvrent de leurs longues découpures. Les bois n’ont plus que bien peu d’ombrage ; mais le pied foule des tapis de feuilles sèches dont le bruit est pour moi plein de charme. Le tronc satiné des bouleaux et des jeunes chênes est couvert de mousse et de jungermanes, qui étalent délicatement leur nuance brune, mêlée de vert tendre, de rouge et de fauve, en étoiles, en rosaces, en cartes de géographie de toute espèce, où l’imagination peut rêver de nouveaux mondes en miniature. J’étudiais avec amour ces prodiges de grâce et de finesse, ces arabesques où la variété infinie s’allie à la régularité inaltérable, et, heureux de savoir que vous n’êtes pas, comme le vulgaire, aveugle à ces coquetteries adorables de la création, j’en détachai quelques-unes avec le plus grand soin, enlevant même l’écorce de l’arbre où elles prennent racine, afin de ne pas détruire la pureté de leurs dessins. J’en ai fait une petite provision que j’ai déposée chez Patience en passant, et que nous allons voir si vous le voulez. Mais, chemin faisant, je veux vous dire ce qui m’arriva en approchant de la fontaine. J’avais la tête baissée, je marchais sur les cailloux humides, guidé par le petit bruit du jet clair