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dit-elle. Appartient-il à un esprit modeste, à un cœur généreux, de nier une amitié, un dévouement, j’oserai me servir d’un autre mot, une fidélité de sept ans, parce que je vous demande encore quelques mois d’épreuve ? Et, quand même je n’aurais jamais pour vous, Bernard, une affection aussi vive que la vôtre, celle que je vous ai témoignée jusqu’ici est-elle donc si peu de chose que vous la méprisiez, et que vous y renonciez par dépit de ne pas m’inspirer précisément celle que vous croyez devoir exiger ? Savez-vous qu’à ce compte une femme n’aurait pas le droit d’éprouver l’amitié ? Enfin, voulez-vous me punir de vous avoir servi de mère en vous éloignant de moi, ou ne m’en récompenser qu’à la condition d’être votre esclave ?

— Non, Edmée, non, lui répondis-je le cœur serré et les yeux pleins de larmes, en portant sa main à mes lèvres ; je sens que vous avez fait pour moi plus que je ne méritais, je sens que je voudrais en vain m’éloigner de votre présence ; mais pouvez-vous me faire un crime de souffrir auprès de vous ? C’est, au reste, un crime si involontaire et tellement fatal, qu’il échapperait à tous vos reproches et à tous mes remords. N’en parlons pas, n’en parlons jamais ; c’est tout ce que je puis faire. Conservez-moi votre amitié, j’espère m’en montrer toujours digne à l’avenir.

— Embrassez-vous, et ne vous séparez jamais l’un de l’autre, dit le chevalier attendri. Bernard, quel que soit le caprice d’Edmée, ne l’abandonnez jamais, si vous voulez mériter la bénédiction de votre père adoptif. Si vous ne parvenez pas à être son mari, soyez toujours son frère. Songez, mon enfant, que bientôt elle sera seule sur la terre, et que je mourrai désolé si je n’emporte dans la tombe la certitude qu’il lui reste un appui et un défenseur. Songez enfin que c’est à cause de vous, à cause d’un serment que son inclination désavoue peut-être, mais que sa