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l’épouser, épousez-le ; mais, si vous ne le voulez pas, pour Dieu ! dites-le, et qu’un autre se présente.

— Mon père, répondit Edmée un peu froidement, je n’épouserai que lui.

— Que lui est fort bien, dit le chevalier en frappant avec la pincette sur les bûches ; mais cela ne veut peut-être pas dire que vous l’épouserez.

— Je l’épouserai, mon père, reprit Edmée. J’aurais désiré quelques mois encore de liberté ; mais, puisque vous êtes mécontent de tous ces retards, je suis prête à obéir à vos ordres, vous le savez.

— Parbleu ! voilà une jolie manière de consentir, s’écria mon oncle, et bien engageante pour votre cousin ! Ma foi ! Bernard, je suis bien vieux ; mais je puis dire que je ne comprends encore rien aux femmes, et il est probable que je mourrai sans y avoir rien compris.

— Mon oncle, lui dis-je, je comprends fort bien l’éloignement de ma cousine pour moi ; je l’ai mérité. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour réparer mes crimes. Mais dépend-il d’elle d’oublier un passé dont elle a sans doute trop souffert ? Au reste, si elle ne me le pardonne pas, j’imiterai sa rigueur, je ne me le pardonnerai pas à moi-même ; et, renonçant à tout espoir en ce monde, je m’éloignerai d’elle et de vous, pour me punir par un châtiment pire que la mort.

— Allons, voilà que tout est rompu ! dit mon oncle en jetant les pincettes dans le feu ; voilà, voilà ce que vous cherchiez, ma fille ?

J’avais fait quelques pas pour sortir ; je souffrais horriblement. Edmée courut vers moi, me prit par le bras, et, me ramenant vers son père :

— Ce que vous dites est cruel et plein d’ingratitude, me