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tout cette chambre, et elle me semble si laide au grand jour que j’ai besoin d’aller bien loin respirer un air pur.

— Eh bien ! moi, je vous conduirai, mais je reviendrai. Je ne veux pas laisser cela au hasard. Je sais de quoi Jean Mauprat est capable, et pas vous.

— Je ne veux pas le savoir ; et, s’il y a quelque danger ici pour moi ou les miens, je ne veux pas que tu y reviennes.

Marcasse secoua la tête et ne répondit rien. Nous fîmes encore un tour à la métairie avant de partir. Marcasse fut très frappé d’une chose que je n’eusse pas remarquée. Le métayer voulut me présenter à sa femme ; mais elle ne voulut jamais me voir, et alla se cacher dans sa chènevière. J’attribuais cette timidité à la sauvagerie de la jeunesse.

— Belle jeunesse, ma foi ! dit Marcasse ; une jeunesse comme moi, cinquante ans passés ! Il y a quelque chose là-dessous, quelque chose là-dessous, je vous dis.

— Et que diable peut-il y avoir ?

— Hum ! elle a été bien dans son temps avec Jean Mauprat. Elle a trouvé ce tortu à son gré. Je sais cela, moi : je sais encore bien des choses, bien des choses, soyez sûr !

— Tu me le diras quand nous reviendrons ici, lui répondis-je, et ce ne sera pas de sitôt ; car mes affaires vont beaucoup mieux que si je m’en mêlais, et je n’aimerais pas à prendre l’habitude de boire du madère pour ne pas avoir peur de mon ombre. Si tu veux m’obliger, Marcasse, tu ne parleras à personne de ce qui s’est passé. Tout le monde n’a pas pour ton capitaine la même estime que toi.

— Celui-là est un imbécile qui n’estime pas mon capitaine, répondit l’hidalgo d’un ton doctoral ; mais, si vous me l’ordonnez, je ne dirai rien.