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ne plus retrouver en moi l’antagoniste infatigable qui l’avait tant contrarié jadis. Il fit mêmes quelques essais de contradiction pour m’éprouver ; mais j’eusse regardé alors comme un crime de lui donner ce dangereux plaisir. Il eut un peu d’humeur et trouva que je le traitais trop en vieillard. Pour le consoler, je détournai la conversation vers l’histoire du passé qu’il avait traversé, et je l’interrogeai sur beaucoup de points où son expérience le servait mieux que mes lumières. De cette manière, j’acquis de bonnes notions sur l’esprit de conduite dans les affaires personnelles, et je satisfis pleinement son légitime amour-propre. Il me prit en amitié par sympathie comme il m’avait adopté par générosité naturelle et par esprit de famille. Il ne me cacha pas que son plus grand désir, avant de s’endormir du sommeil éternel, était de me voir devenir l’époux d’Edmée ; et, lorsque je lui répondis que c’était l’unique pensée de ma vie, l’unique vœu de mon âme :

— Je le sais, je le sais, me dit-il ; tout dépend d’elle, et je crois qu’elle n’a plus de motifs d’hésitation. Je ne vois pas, ajouta-t-il après un instant de silence et avec un peu d’humeur, ceux qu’elle pourrait alléguer à présent.

D’après cette parole, la première qui lui fût échappée sur le sujet qui m’intéressait le plus, je vis que, depuis longtemps, il était favorable à mes désirs, et que l’obstacle, s’il en existait encore un, venait d’Edmée. La dernière réflexion de mon oncle impliquait un doute que je n’osai pas chercher à éclaircir et qui me laissa beaucoup d’inquiétude. La fierté chatouilleuse d’Edmée m’inspirait tant de crainte, sa bonté ineffable m’imposait tant de respect, que je n’osai lui demander ouvertement de se prononcer sur mon sort. Je pris le parti d’agir comme si je n’eusse pas entretenu d’autre espérance que celle d’être à jamais son frère et son ami.