france où la beauté semble effacée dans le sens matériel, la sienne se divinisait à mes yeux et me révélait une nouvelle beauté morale dont le reflet éclairait son visage. Au reste, je suis doué médiocrement sous le rapport des arts, et, si j’avais été peintre, je n’aurais pu reproduire qu’un seul type, celui dont mon âme était remplie ; car une seule femme m’a semblé belle dans le cours de ma longue vie : ce fut Edmée.
Je restais quelques instants à la regarder, pâle et touchante, triste mais calme, vivante image de la piété filiale, de la force enchaînée par l’affection ; puis je m’élançai et tombai à ses pieds sans pouvoir dire un mot. Elle ne fit pas un cri, pas une exclamation ; mais elle entoura ma tête dans ses deux bras et la tint longtemps serrée contre sa poitrine. Dans cette forte étreinte, dans cette joie muette, je reconnus le sang de ma race, je sentis ma sœur. Le bon chevalier, réveillé en sursaut, l’œil fixe, le coude appuyé sur son genou et le corps plié en avant, nous regardait en disant :
— Eh bien ! qu’est-ce donc que cela ?
Il ne pouvait voir mon visage caché dans le sein d’Edmée ; elle me poussa vers lui, et il me serra dans ses bras affaissés avec un élan de tendresse généreuse qui lui rendit un instant la vigueur de la jeunesse.
Vous pouvez imaginer les questions dont on m’accabla et les soins qui me furent prodigués. Edmée était pour moi une mère véritable. Cette bonté expansive et confiante avait tant de sainteté que, pendant toute cette journée, je n’eus pas auprès d’elle d’autres pensées que celles que j’aurais eues si j’avais été réellement son fils.
Je fus vivement touché du soin qu’on prit d’enjoliver à l’abbé la surprise de mon retour ; j’y vis une preuve certaine de la joie qu’il en devait ressentir. On me fit cacher