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et aux rudes expéditions. Il me reprochait un peu de préoccupation, et me grondait sérieusement lorsque je marchais étourdiment sur des plantes intéressantes ; mais il assurait que j’étais doué de l’esprit de méthode, et que je pourrais inventer un jour, non pas une théorie de la nature, mais un excellent système de classification. Sa prédiction ne se réalisa point, mais ses encouragements réveillèrent en moi le goût de l’étude et empêchèrent mon esprit de retomber en paralysie dans la vie des camps. Il fut pour moi l’envoyé du ciel ; sans lui, je fusse redevenu peut-être, sinon le coupe-jarret de la Roche-Mauprat, du moins le sauvage de la Varenne. Ses enseignements ranimèrent en moi le sentiment de la vie intellectuelle. Il agrandit mes idées, il ennoblit aussi mes instincts ; car, si une merveilleuse droiture et des habitudes de modestie l’empêchaient de se jeter dans les discussions philosophiques, il avait l’amour inné de la justice et décidait avec une sagacité infaillible toutes les questions de sentiment et de moralité. Il prit sur moi un ascendant que n’eût jamais pu prendre l’abbé dans la position où notre méfiance mutuelle nous avait placés dès le principe. Il me révéla une grande partie du monde physique ; mais ce qu’il m’apprit de plus précieux fut de m’habituer à me connaître moi-même et à réfléchir sur mes impressions. Je parvins à gouverner mes mouvements jusqu’à un certain point. Je ne me corrigeai jamais de l’orgueil et de la violence. On ne change pas l’essence de son être, mais on dirige vers le bien ses facultés diverses ; on arrive presque à utiliser ses défauts ; c’est, au reste, le grand secret et le grand problème de l’éducation.

Les entretiens de mon cher Arthur m’amenèrent à de telles réflexions, que je parvins à déduire logiquement de tous mes souvenirs les motifs de la conduite d’Edmée. Je