Page:Sand - Mauprat.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.

car je souffrirai de ton absence plus que je ne puis le dire. Va pourtant où ton honneur et l’amour de la sainte vérité t’appellent ; mes vœux et mes prières te suivront partout. Reviens quand ta mission sera accomplie, tu ne me retrouveras ni mariée ni religieuse.

Elle avait joint à ce billet la bague de cornaline qu’elle m’avait cédée durant ma maladie et que je lui avais renvoyée en quittant Paris. Je fis faire une petite boîte d’or où j’enfermai le billet et cet anneau, et que je plaçai sur moi comme un scapulaire. La Fayette, arrêté en France par ordre du gouvernement, qui s’opposait à son expédition, vint nous joindre bientôt après s’être évadé de prison. J’avais eu le temps de faire mes préparatifs ; je mis à la voile plein de tristesse, d’ambition et d’espérance.

Vous n’attendez pas que je vous fasse le récit de la guerre d’Amérique. Encore une fois, j’isole mon existence des faits de l’histoire, en vous contant mes aventures. Mais ici je supprimerai même mes aventures personnelles ; elles forment dans ma mémoire un chapitre à part, où Edmée joue le rôle d’une madone constamment invoquée, mais invisible. Je ne puis croire que vous preniez le moindre intérêt à entendre les incidents d’une portion de récit d’où cette figure angélique, la seule digne d’occuper votre attention, et par elle-même d’abord, et par son attention sur moi, serait entièrement absente. Je vous dirai seulement que, des grades inférieurs, joyeusement acceptés par moi au début, dans l’armée de Washington, je parvins régulièrement, mais rapidement, au grade d’officier. Mon éducation militaire fut prompte. Là, comme dans tout ce que j’ai entrepris durant ma vie, je me mis tout entier ; et, voulant obstinément, je triomphai des difficultés.

J’obtins la confiance de mes chefs illustres. Mon excel-