Page:Sand - Mauprat.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Edmée, j’ai enfin découvert le secret fatal qui a mis, selon vous, un insurmontable obstacle à notre union. Bernard vous aime ; son agitation de ce matin l’a trahi. Mais vous ne l’aimez pas, j’en suis sûr… cela est impossible ! Vous me l’eussiez dit avec franchise. L’obstacle est donc ailleurs. Pardonnez-moi ! J’ai réussi à savoir que vous avez passé deux heures dans la caverne des brigands ! Infortunée, votre malheur, votre prudence, votre sublime délicatesse, vous ennoblissent encore à mes yeux. Et pourquoi ne m’avoir pas dit, dès le commencement, de quel malheur vous étiez victime ? J’aurais d’un mot calmé vos douleurs et les miennes. Je vous aurais aidée à cacher votre secret. J’en aurais gémi avec vous, ou plutôt j’en aurais effacé l’odieux souvenir par le témoignage d’un attachement à toute épreuve. Mais rien n’est désespéré ; ce mot, il est toujours temps de le dire, et le voici : Edmée, je vous aime plus que jamais ; plus que jamais je suis décidé à vous offrir mon nom ; daignez l’accepter. »

Ce billet était signé Adhémar de La Marche.

À peine en avais-je terminé la lecture qu’Edmée rentra et s’approcha de la cheminée avec inquiétude comme si elle eût oublié un objet précieux. Je lui tendis la lettre que je venais de lire, mais elle la prit d’un air distrait, et, se baissant vers le foyer, elle saisit avec précipitation et avec une sorte de joie un papier chiffonné que la flamme n’avait fait qu’effleurer. C’était la première réponse qu’elle avait faite au billet de M. de La Marche, et qu’elle n’avait pas jugé à propos d’envoyer.

— Edmée, lui dis-je en me jetant à ses genoux, laissez-moi voir ce papier. Quel qu’il soit, je me soumettrai à l’arrêt dicté par votre premier mouvement.

— En vérité, dit-elle avec une expression indéfinissable, le feriez-vous ? Si j’aimais M. de La Marche, si je vous