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famille, il s’était voué au célibat ; mais, resté seul de plusieurs frères et sœurs, il se fit relever de ses vœux et prit femme un an avant ma naissance. Avant de changer ainsi son existence, il avait fait, dit-on, de grands efforts pour trouver dans la branche aînée un héritier digne de relever son nom flétri et de conserver la fortune qui avait prospéré dans les mains de la branche cadette. Il avait essayé de remettre de l’ordre dans les affaires de son cousin Tristan, et plusieurs fois apaisé ses créanciers. Mais, voyant que ses bontés ne servaient qu’à favoriser les vices de la famille, et qu’au lieu de déférence et de gratitude, il ne trouverait jamais là que haine secrète et grossière jalousie, il renonça à tout accord, rompit avec ses cousins, et, malgré son âge avancé (il avait plus de soixante ans), il se maria afin d’avoir des héritiers. Il eut une fille, et là dut finir son espoir de postérité ; car sa femme mourut, peu de temps après, d’une maladie violente que les médecins appelèrent colique de miserere. Il quitta le pays et ne revint plus que très rarement habiter ses terres, qui étaient situées à six lieues de la Roche-Mauprat, sur la lisière de la Varenne du Fromental. C’était un homme sage et juste, parce qu’il était éclairé, parce que son père n’avait pas repoussé l’esprit de son siècle et lui avait fait donner de l’éducation. Il n’en avait pas moins gardé un caractère ferme et un esprit entreprenant ; et, comme ses aïeux, il se faisait gloire de porter en guise de prénom le surnom chevaleresque de Casse-Tête, héréditaire dans l’ancienne tige des Mauprat. Quant à la branche aînée, elle avait si mal tourné, ou plutôt elle avait gardé de telles habitudes de brigandage féodal, qu’on l’avait surnommée Mauprat Coupe-Jarret, Mon père, qui était le fils aîné de Tristan, fut le seul qui se maria. Je fus son unique enfant. Il est nécessaire de dire ici un fait que je n’ai su que fort tard. Hubert Mauprat, en apprenant