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Enfin, je n’avais donc plus de ressource contre mes propres fureurs ! Je ne pouvais en obtenir autre chose que la fuite ou la mort d’Edmée ! Sa mort ! À cette idée, mon sang se glaçait dans mes veines, mon cœur se serrait, et je sentais tous les aiguillons du repentir le traverser. Cette douloureuse soirée fut pour moi le plus énergique appel de la Providence. Je compris enfin ces lois de la pudeur et de la liberté sainte que mon ignorance avait outragées et blasphémées jusque-là. Elles m’étonnaient plus que jamais, mais je les voyais ; elles étaient prouvées par leur évidence. L’âme forte et sincère d’Edmée était devant moi comme la pierre du Sinaï, où le doigt de Dieu venait de tracer la vérité immuable. Sa vertu n’était pas feinte, son couteau était aiguisé et toujours prêt à laver la souillure de mon amour ! Je fus si effrayé du danger que j’avais couru de la voir expirer dans mes bras, si consterné de l’outrage que je lui avais fait en espérant vaincre sa résistance, que je cherchai tous les moyens extrêmes de réparer mes torts et de lui rendre le repos.

Le seul qui parût au-dessus de mes forces fut de m’éloigner ; car, en même temps que le sentiment de l’estime et du respect se révélait à moi, mon amour, changeant pour ainsi dire de nature, grandissait dans mon âme et s’emparait de mon être tout entier. Edmée m’apparaissait sous un nouvel aspect. Ce n’était plus cette belle fille dont la présence jetait le désordre dans mes sens ; c’était un jeune homme de mon âge, beau comme un séraphin, fier, courageux, inflexible sur le point d’honneur, généreux, capable de cette amitié sublime qui faisait les frères d’armes, mais n’ayant d’amour passionné que pour la Divinité, comme ces paladins qui, à travers mille épreuves, marchaient à la terre sainte sous une armure d’or.