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— Grâce à Bernard ! dit Edmée, car enfin je lui dois de la reconnaissance, et, malgré ses réserves et conditions, son action est grande et inconcevable de la part d’un coupe-jarret.

— Dieu me préserve de nier les bonnes qualités que l’éducation eût pu développer dans ce jeune homme, et c’est à cause de ce bon côté qu’il est possible de lui faire entendre raison.

— Pour s’instruire ? Jamais il n’y consentira ; et, quand il s’y prêterait, il ne le pourrait pas plus que Patience. Quand le corps est fait à la vie animale, l’esprit ne peut plus se plier aux règles de l’intelligence.

— Je le crois ; aussi je ne parle pas de cela. Je parle d’avoir une explication avec lui et de lui faire comprendre que son honneur l’engage à vous rendre votre promesse et à prendre son parti sur votre mariage avec M. de La Marche ; ou ce n’est qu’une brute indigne de toute estime et de tout ménagement, ou il sentira son crime et sa folie et s’exécutera honnêtement et sagement. Déliez-moi du secret que vous m’avez imposé, autorisez-moi à m’ouvrir à lui, et je vous réponds du succès.

— Je vous réponds du contraire, moi, dit Edmée, et, d’ailleurs, je n’y saurais consentir. Quel que soit Bernard, je tiens à sortir avec honneur de mon duel avec lui, et il aurait sujet, si j’agissais comme vous voulez, de croire que je l’ai indignement joué jusqu’ici.

— Eh bien ! il est un dernier moyen : c’est de vous confier à l’honneur et à la sagesse de M. de La Marche. Qu’il juge librement votre situation, et qu’il en décide. Vous avez bien le droit de lui confier votre secret, et vous êtes bien sûre de son bonheur. S’il a la lâcheté de vous abandonner dans une pareille situation, il vous reste pour dernière ressource de vous mettre à l’abri des violences