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sée d’un tel hymen ! Mais, quand même cet homme aurait de l’affection et des égards pour vous, songez-vous à l’impossibilité de vous entendre, à la grossièreté de ses idées, à la bassesse de son langage ? Le cœur se lève de dégoût à l’idée d’une telle association ; et dans quelle langue lui parleriez-vous, grand Dieu ?

Je faillis encore une fois me lever et tomber sur mon panégyriste ; mais je vainquis ma colère, Edmée parlait. Je redevins tout oreilles.

— Je sais fort bien qu’au bout de trois jours je n’aurai certainement rien de mieux à faire que de me couper la gorge ; mais, puisque, d’une manière ou de l’autre, il faut que cela arrive, pourquoi n’irai-je pas devant moi jusqu’à l’heure inévitable ? Je vous avoue que j’ai un peu de regret à la vie. Tous ceux qui ont été à la Roche-Mauprat n’en sont pas revenus. Moi, j’ai été, non y subir la mort, mais me fiancer avec elle. Eh bien ! j’irai jusqu’au jour de mes noces, et, si Bernard m’est trop odieux, je me tuerai après le bal.

— Edmée, vous avez la tête pleine de romans à présent, dit l’abbé fort impatienté. Votre père, Dieu merci, ne consentira pas à ce mariage ; il a donné sa parole à M. de La Marche, et vous aussi, vous l’aviez donnée. C’est cette promesse-là qui seule est valide.

— Mon père souscrirait avec joie à un accord qui perpétuerait directement son nom et sa lignée. Quant à M. de La Marche, il me relèvera de ma parole sans que je prenne la peine de le lui demander ; dès qu’il saura que j’ai passé deux heures à la Roche-Mauprat, il ne sera pas besoin d’autre explication.

— Il faudrait qu’il fût bien indigne de l’estime que je lui porte s’il croyait votre nom souillé par une aventure malheureuse dont vous êtes sortie pure.