oublié depuis longtemps l’usage des chaussures, étaient arrivés à un degré de callosité qui les mettait à l’abri de tout. Il avait pour tout vêtement un pantalon de toile bleue qui, faute de bretelles, tombait sur ses hanches, et une chemise grossière. Il ne pouvait souffrir aucune contrainte dans ses habits, et sa peau, endurcie par le hâle, n’était sensible ni au chaud ni au froid. On l’a vu, jusqu’à plus de quatre-vingt ans, aller tête nue au soleil le plus ardent, et la veste entr’ouverte à la bise des hivers. Depuis qu’Edmée veillait à tous ses besoins, il était arrivé à une certaine propreté ; mais, dans le désordre de sa toilette et sa haine pour tout ce qui dépassait les bornes du strict nécessaire, se trouvait, sauf l’impudeur, qui lui avait toujours été odieuse, le cynique des anciens jours. Sa barbe brillait comme de l’argent. Son crâne chauve était luisant, que la lune s’y reflétait comme dans l’eau. Il marchait lentement, les mains derrière le dos, la tête levée, comme un homme qui surveille son empire. Mais le plus souvent ses regards se perdaient vers le ciel, et il interrompait sa conversation pour dire en montrant la voûte étoilée :
— Voyez cela, voyez comme c’est beau !
C’est le seul paysan que j’aie vu admirer le ciel, ou tout au moins c’est le seul que j’aie vu se rendre compte de son admiration.
— Pourquoi, maître Patience, lui dis-je, pensez-vous que je serais un honnête homme si je voulais ? Croyez-vous donc que je ne le sois pas ?
— Oh ! ne soyez pas fâché, répondit-il ; Patience a le droit de tout dire. N’est-ce pas le fou du château ?
— Edmée prétend que vous en êtes le sage, au contraire.
— Prétend-elle cela, la sainte fille de Dieu ? Eh bien,